Berder 2024 septembre N°21

LE VIVANT ET LE FUTUR

Rencontre de Berder les 13-15 septembre 2024
à l’Abbaye de St-Jacut-de-la-mer (22750)

URGENT – LES INSCRIPTIONS SERONT CLOSES LE 10 JUIN

Pensez à vous inscrire en contactant Marie Chantal Narceau : lesportesdetheleme@gmail.com, ou en s’inscrivant directement par la rubrique Commande

Veuillez noter ce nouveau programme, animé par Christian Lestienne, et en cours de validité :

Jean Christophe Pichon : Périples et métamorphoses du manuscrit de Capella l’Africain

À la fin du Moyen Âge, l’essaim des confréries monastiques produisit les Renaissances. Elles butinèrent les textes sacrés aux frontières de l’Orient et de l’Occident, dans le triangle formé par les trois lieux saints : l’Égypte, la Palestine et l’Arabie. Ces sources de nos religions occidentales avaient été nourries au lait des syncrétismes de mythologies venues des quatre coins du monde, brassées depuis les origines par d’innombrables déluges, exodes et sanglantes invasions.

Dès le Ve siècle, et ce jusqu’au XVe, les moines éparpillèrent à travers l’Europe leur science, leurs manuscrits, les traductions de textes grecs, latins, hébreux et de bien d’autres. Confrontés aux Wisigoths, Ostrogoths, Vandales, Huns, Germains, Saxons, Burgondes, ils adapteront leurs enseignements selon les régions aux frontières et aux langages fluctuants. La Réforme luthérienne allemande ébranlera l’Europe en formation, des confins du Nord et de l’Est jusqu’au bassin méditerranéen ; puis la découverte de l’imprimerie à caractères métalliques démultipliera les connaissances et leurs consubstantialités.

L’un, parmi ces nombreux textes, rédigé en latin au début du Ve siècle par le Carthaginois Martianus Capella l’Africain, Les Noces de Philologie et de Mercure (Nuptiis Philologiae et Mercurii), décortique les métamorphoses de l’écriture kabbalistique (ou du langage) en une ascension flamboyante, menée par Philologie, partant de la grammaire, puis traversant cycle après cycle la dialectique, la rhétorique, la figure géométrique, l’arithmétique, l’astronomie, pour aboutir à l’harmonie des sphères, l’apothéose musicale du cosmos là où siège l’esprit. Formant ainsi une allégorie parabolique, platonicienne et aristotélicienne, tracée par certains dieux de la mythologie grecque, voire égyptienne si l’on se réfère à Hermès (l’autre versant du dieu romain Mercure, le symbole alchimique de ce manuscrit).

Une copie de ce manuscrit traduit en vieil allemand par Notker Labeo, nous parvint fin du Xe ou début du XIe. Une copie, celle-là, en version latine fut déposée à l’Abbaye dominicaine de Saint-Martin des Sées (Alençon) vers 1100-1200, illustrée d’une enluminure qui pose diverses questions, précisément sur la manière dont les textes anciens ont été interprétés ou adaptés au fil des siècles selon les croyances, les conciles et les greffes liturgiques successives ; et qui ont de ce fait soutenu les prophéties.

C’est ce chemin que nous tenterons de réemprunter, et ce jusqu’à nos temps modernes, où semble-t-il, subsistent encore les vestiges des empires dévastés en l’attente d’un monde réenchanté.

Il sera également question des 32 prognostications de Paracelse et des commentaires qu’en proposa Jean-Charles Pichon.

Deux conceptions s’affrontent lorsqu’il est question de l’humain dans le continuum espace-temps : il se déplace dans un temps éternellement présent, donc immobile, et se projette en même temps dans l’espace sans limite d’un futur en mouvement. 
Il s’agit de deux états, l’un s’arcboutant sur les matières périssables, l’autre s’éparpillant dans un infini dont le centre est partout et la circonférence nulle part. 
Les littératures restituent ces deux états, selon qu’elles décrivent le visible, le vivant et le mort, ou qu’elles prédisent l’avenir, voire le créent.

Christian Coppo : Le soleil de l’Orient brille sur la Table ronde

Professeur d’Histoire et Grand Maitre de l’Ordre international des Chevaliers et Gentes Dames de la Cour du Roi Arthur à Camelot – Branche Anjou-Plantagenêt.

La matière de Bretagne désigne l’ensemble des textes écrits au Moyen Âge autour de légendes enracinées sur les territoires de Grande et Petite Bretagne. Ces textes apparaissent comme un large syncrétisme entre plusieurs traditions, entre plusieurs parcours géo-historiques. Cultures orales et mythologies celte, germanique, latine, mithriaque, chrétienne, perse, musulmane et plus largement orientale, se croisent pour féconder un mythe archétypal où le parcours initiatique est au cœur de la quête d’un absolu. Le Graal. 

Presque mille ans après leur mise à l’écrit par des auteurs français comme Chrétien de Troyes, allemand comme Wolfram von Eschenbach ou anglais Geoffroy de Monmouth, l’Ordre international des Chevaliers et Gentes Dames de la Cour du Roi Arthur à Camelot propose un espace sacralisé et symbolique où se cultivent les vertus chevaleresques dont notre époque a tant besoin. Plus ancien ordre de chevalerie au monde, l’Ordre de la Table ronde perpétue une tradition qui remonte à la nuit des temps et contribue, à son niveau, au réenchantement du monde. 

À travers une approche géo-historique et symbolique, Christian Coppo propose un voyage initiatique et spirituel entre Orient et Occident, des confins de l’Inde jusqu’au cœur du Pays de Logres en passant par la Perse, Jérusalem, Constantinople, Rome, l’Anjou et Brocéliande, à la recherche du Roi Arthur et du Graal. 

Olivier Chouteau (et Julien Debenat) : Le Yijing, un livre vivant

Olivier Chouteau, enseignant de Wushu et de Qigong, montrera comment le Yijing et d’autres textes antiques chinois imprègnent certaines pratiques de Wushu et de Qigong traditionnels. Les liens entre l’entretien et la défense du corps, l’enseignement oral et la lecture des textes classiques seront ainsi mis à jour. 

Un éclairage particulier sera porté sur le Yijing, outil multi-usages (divination, médium, révélateur de synchronicité, livre de Sagesse). Olivier parlera aussi de son travail en cours d’interpréduction du Daodejing, ainsi que d’un livre, à paraître, écrit en commun avec deux de ses élèves, relatant leur amitié et leur parcours de co-initiation.

Frédéric Leseur : Les druides et la Roue de l’année

S’il est vrai que les druides actuels n’ont pas hérité de tous les savoirs des druides antiques, les mythes et les symboles qui sont venus jusqu’à nous sont tout de même suffisants pour entreprendre un chemin honorable sur la voie druidique. Peut-être est-ce même un bien, car cela force les druides actuels à réinterroger et réactualiser ces mythes et ces symboles, et leur évite tout dogmatisme… 

Parmi ces symboles figure en bonne place la Roue de l’Année, qui propose un cadre symbolique et rituélique qui peut accompagner les druidisants tant dans leur traversée de l’année – marquée par les huit fêtes principales – que dans la traversée de leur vie, voire de leurs vies.

Après quelques mots d’introduction sur la tradition druidique en général, il s’agira d’aborder le cycle annuel des huit fêtes druidiques, et d’en tirer quelques repères pour cheminer durant sa vie, accompagné par la tradition des druides.

Lauric Guillaud : L’imaginaire prophétique. L’exemple du nazisme.

La confrontation avec l’insaisissable requiert un effort d’ajustement de notre perception du temps et de l’Histoire, comme le suggère René Alleau :

« Nos conceptions chronologiques trop rigides nous empêchent souvent de discerner les structures souples, enchevêtrées et subtiles, du tissu vivant du temps, leurs résonances lointaines, leurs lacunes et leurs latences, leurs prolongements, leurs échanges analogiques. Le temps mythique coule parallèlement au temps historique, mais à un autre rythme. Ce que nous nommons des « événements » ne sont peut-être que de multiples avènements, intérieurs et obscurs, qui se renversent, soudain cristallisés et pris en masse, au grand jour[1]. »

La littérature de l’imaginaire, qui reflète en profondeur les croyances, les tendances et les délires de la société, ne fournit-elle pas un outil de prospection utile à l’investigation de ce champ de vertige où se croisent mythe et Histoire ? Osons la question centrale : l’imaginaire, ou « l’imaginaire surnaturel » comme le nomme Eric Kurlander, a-t-il une vertu prophétique dans l’histoire ? 

Sur le plan mythique, l’on observe dans l’histoire une obsession majeure chez plusieurs penseurs : « Saisir les rythmes secrets de l’éternel retour, dont seule la connaissance permet aux initiés de pénétrer l’avenir », écrit J.-C. Pichon, affirmant qu’en de certaines époques, de grands prophètes paraissent, « animés par le souffle de Dieu ou par le diable »[2], dont la mission parmi les hommes est de leur débroussailler le futur, de Platon à Nostradamus, en passant par Joachim de Flore, Rabelais ou Paracelse.

La littérature, ou l’imaginaire en général, est cet écran magique où s’inscrivent les signes plus ou moins lisibles de l’avenir. « Qu’en sera-t-il, se demandait Pichon, quand la Mère capricieuse, le Serpent, le Bovin, le Bouc aux cornes de fer, le Grand Poisson, tous les archétypes naguère perdus auront été recouvrés ? »

C. G. Jung se fait prophète en 1928 : « Dans l’apparition collective d’un archétype réside un grand danger, celui qu’elle fasse jaillir un mouvement de masse ». Hitler, possédé par l’inconscient collectif, devient dès lors une « incarnation » du dieu Wotan, d’autant que pour Jung, ce dieu est un archétype propre à l’inconscient collectif des peuples germaniques. Il s’agit pour Jung de donner l’alerte en dépeignant « la chute de l’Allemagne nazie dans l’abîme d’une régression mythique et d’un pacte avec les puissances des ténèbres et de la terreur ».

On sait, depuis Mircea Eliade, Gilbert Durand et J.-C. Pichon, que les dieux naissent, meurent et renaissent. Comme le mythe nous l’enseigne, Dieu, sous sa forme archétypale, peut disparaître momentanément pour renaître sous une forme nouvelle. Oui, « Dieu est mort », répète Jung en pensant à Nietzsche, mais… « Où allons-nous le retrouver ? »… « L’interrègne, note Jung, est plein de dangers ». Cet « interrègne » sera décrit ainsi par Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le Nouveau Monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres »[3]. Les monstres de la fiction ou du cinéma n’étaient pas les plus redoutables… 

Si Jung est mondialement connu, les meilleurs prophètes sont parfois des inconnus dont la plume angoissée trace des lendemains terrifiants. Toute œuvre est l’aboutissement d’influences conscientes ou inconscientes qui finissent par se matérialiser en une secrète alchimie. Les écrivains, ces « prospecteurs de l’ombre » (J.-C. Pichon), sont des imagiers en puissance, attachés à exprimer des visions nouvelles, originales. Ils sont en fait condamnés à revenir vers l’origine, vers les images archétypales qui ont marqué la culture. Dans tous les cas, semble-t-il, c’est le passé qui prophétise l’avenir, pour le meilleur et surtout pour le pire.

Il semble bien que les productions de l’imaginaire, à travers une dynamique créatrice, forment d’insolites filiations à travers le temps, unissant des écrivains parfois obscurs sur une même trame enrichie œuvre après œuvre. Toutes les expressions culturelles, artistiques, littéraires ou picturales composent, comme le disait Michel Foucault, « ces voix de l’arrière-fable, dont l’échange dessine la trame de la fiction »[4]. Si l’on veut reconstruire l’histoire des jeux ardents de l’imaginaire, on s’aperçoit qu’à un certain moment ces œuvres rentrent étrangement en sympathie, d’abord entre elles, puis s’agrègent intuitivement à d’autres mythes, pour former un univers de correspondances et de redondances qui esquissent un futur parfois dantesque. On passe, semble-t-il, d’un irrationnel créatif pour aboutir à un irrationnel d’autant plus terrifiant qu’il se révèle dans toute sa matérialité. 

Pourquoi des visionnaires comme Jules Verne, Jack London, H. R. Haggard, Ewers, Kubin, James Hilton, R. E. Howard ou C. A. Smith parvinrent-ils à mieux percer le rideau de l’histoire que bien des historiens ou des savants ? Là réside le vrai mystère de l’inspiration et de la création, le secret véritable de la « Vis imaginativa », dans ce chaudron des arrière-fables où les dieux distillent leurs mystérieux augures. Nous savons que les retours mythiques peuvent s’avérer tragiques lorsque les dieux ont soif. Or, l’on voit resurgir aujourd’hui des tendances ou des phénomènes qui participèrent de l’atmosphère d’irréalité des années 1920-30 en Allemagne : retour aux « médecines naturelles », réhabilitation de la sorcière, hygiénisme généralisé, affirmation d’une « post-vérité », retour du barbare et des tyrans, menace de « décivilisation », « difficulté congénitale à affronter le réel » (Kracauer) ?


[1] R. Alleau, Hitler et les Sociétés Secrètes, Paris, Grasset, 1969, p. 119. 

[2] J.-C. Pichon, Nostradamus en Clair, Paris, Robert Laffont, 1970, p. 12. 

[3] A. Gramsci, Cahiers de Prison (1948-1951, cahier 3). 

[4] Michel Foucault à propos des œuvres de Verne, « L’arrière-fable», Jules VerneL’Arc n° 29, 1990, p. 9. 

Silvanie Maghe : « Ce jour commencé par le terme Lumière ! » (1)

Présentation d’une mise en image de l’œuvre d’Emily Dickinson, grande poétesse américaine du XIXesiècle (faisant suite à la conférence de 2023). 

Il sera question d’un déroulement du temps qui peut parfois être point.

(1)      Vers du poème 942 d’Emily Dickinson

Julien Pichon : Existe-t-il une philosophie de la verticalité ? 

La « verticalité », on l’observe tous les jours, pourtant on la nomme rarement. C’est la dimension d’un voyage intérieur qui nous a conduits aux plus grands mythes. Il n’existe pas de grands navigateurs d’océans verticaux excepté la conquête de l’espace dont les voyages finissent par tourner. La verticalité semble définir un concept préexistant chez l’humain qui ne dit pas son nom : un gouvernail de la pensée. Pourquoi achemine-t-elle autant nos esprits ?

Peu d’écrits et peu de grands penseurs abordent le thème de la verticalité. Est-ce un « non-sujet » ? Ou un sujet si déguisé qu’il prend d’autres visages ?

Définit-elle une notion absolue ou relative ? Un concept abstrait ou une réalité concrète ? Est-ce une dimension comme les autres ou une dimension singulière ?

Le phare peut donner la direction de l’horizon uniquement parce qu’il a une position dominante à la verticale.

La verticalité ne se définit-elle que par rapport à l’horizontalité et réciproquement ? Autrement dit la gazelle aurait-elle été la gazelle si le lion n’avait pas existé ?

Quelques questions abordées dans cette conférence-essai :

D’où nous vient le désir d’ériger des tours de plus en plus hautes ? Fait-il meilleur en haut d’une montagne plutôt qu’en bas ? Aller tout en haut dans l’espace, est-ce tourner en rond ? Quelle est la vraie direction des Menhirs ? Les étoiles sont-elles aujourd’hui à notre aplomb ? Si grandir est une trajectoire qu’elle en ait le point culminant ? Les Martiens viennent-ils vraiment d’en haut ? Pourquoi plus on va haut, plus on remonte dans le passé ?  Pourquoi une plante tire-t-elle son énergie du bas ? Autant de questions orphelines, pour lesquelles cette conférence aura au moins l’objectif immense de les poser. 

Kalvin Narceau : L’intelligence artificielle (IA) a ses raisons que la raison ignore.

Nous commencerons notre histoire aux prémices de l’IA, et suivrons son évolution jusqu’à nos jours, afin d’essayer avec ses quelques neurones de nous diriger vers son futur. 

Arriverons-nous à le positionner à notre égal, conscience ? Émotion ? Auto-apprentissage ? Ou au contraire celui-ci nous fera-t-il stagner et conserver le rôle de nouvel élément dans notre boîte à outils ? 

En imaginant l’éventualité que nous arrivions à donner à l’IA un grand nombre de qualités humaines, quels seraient les éléments qui à coup sûr nous différencieraient d’une intelligence artificielle avancée.

Nous pourrons alors nous questionner sur les facultés créatives de l’IA, mais aussi sur son éventuelle intelligence dans le monde actuel. Nous discuterons aussi de l’IA comme d’un nouveau langage, une nouvelle forme de communication.

Ce seront toutes ces questions auxquelles nous essayerons de répondre durant cette conférence.

3 avril 2024

Laisser un commentaire