Robert Liris – Berder 2018, page 173-181
La Tour foudroyée Image ou Objet d’Histoire ?
À ce point du récit la fascination du mystérieux objet d’histoire va provoquer une mise en veille de la rationalité. l’exercice de la traversée des souvenirs acquis ou construits s’apparente encore à un état onirique, à ce fameux savoir rêver ensemble qui assure la cohésion temporaire de la cité. En aucune façon cette présentation ne s’égare dans des méandres d’une pensée en état de veille. Les faits se manifestent entre chien et loup entre l’incertain et le probable.
La tour foudroyée est une image récurrente dans l’histoire de l’espèce et il ne faut pas l’étudier comme une possible manifestation de communication entre un créateur et ses créatures, mais plutôt comme un matériel psychique, un matériau qui se gère, un objet d’histoire de l’espèce homo.
Du grand menhir de Locmariaquer abattu par la foudre, à la Bastille démolie, en même temps que le peintre David représentait dans la séance du jeu de paume la chapelle de Versailles frappée par l’éclair, les tours du tarot de Marseille figurent une image prophétique de la chute et de l’effondrement. il en est ainsi, en toute apparence plus que vraisemblance, du 11 septembre 2001 avec les jumpers, (hommes tombant déjà, autrefois, de la tour foudroyée des cartes du tarot) comme de l’immense canon prétendu « atomique » dressé en 1990 dans le ciel irakien. Il faut se risquer donc en guise d’histoire à pratiquer des raccourcis de contrebandiers de la pensée, dont je suis ! Qui y a-t-il de commun caché entre la pyramide de Chéops, un menhir de visée astrale, la tour de Babel, la tour Eiffel, la tour foudroyée du tarot celles du 11 septembre, la chute de King Kong à sa tour abolie, la tour infernale de steve Mc Queen foudroyée de l’intérieur, les twin towers pulvérisées, le canon à rallonge de Sadam, et celui dressé vers les étoiles du film de William Cameron Menzies, le fameux canon spatial de La Vie future (1936), œuvre prophétique de cette récurrence de l’appel de l’infini ?
L’action se situe en 1936 en Angleterre dans une ville qui va subir de terribles bombardements en 1940. Trente ans plus tard la guerre en est à son « dernier quart d’heure » et des pacifistes internationaux humanistes prennent le pouvoir car ils ont acquis la maîtrise de l’air. Ils ont changé les lois de la vie sur terre. L’homme, qui s’était d’abord redressé debout dans les savanes de l’Afrique paléolithique a dépassé la station verticale et peut vivre dans une autre dimension. Il s’affranchit encore davantage de la gravité qui le clouait au sol, même debout ! Thomas d’Aquin avait écrit que dieu avait fait « l’homme droit ». Cette question de l’homme debout est une vue assez religieuse, certes, mais l’antiquité humaniste nous avait livré sa vision de la verticalité de l’homme : le rusé Ulysse s’attache au mât dressé de son navire pour résister aux hallucinations d’un monde abyssal, incertain et mouvant.
Le projet d’avenir consistera pour cet icarien à tenter la sortie de l’espace terrestre pour conquérir une planète proche. Un immense canon (reprise du thème cher à Jules Verne : « de la Terre à la Lune et Autour de la lune ») est dressé vers le ciel, le décor des années trente est futuriste : il ressemble à une sorte de tour pyramidale. ( Voir le projet parisien de tour triangulaire… !) Ce paradoxe de forme est du à la convergence en trompe- l’oeil des lignes travaillées à la façon d’Escher. Cette orgueilleuse Babel rencontre l’opposition des foules effrayées hostiles au « progrès ». Elles tiennent à préserver la recherche du simple et domestique bonheur individuel. Elles tenteront, en vain, de s’en prendre au projet mais le vaisseau est lancé avec à son bord le couple humain des origines. Cette arche des recommencements est un défi à notre injustifiable condition de promis à la disparition. Que ce soit le projet du Pharaon des Etoiles, l’édification de Babel jusqu’à des hauteurs qui défient les nuées, le canon spatial, tout prouve que « l’homme est un ange déchu qui se souvient des cieux ». Face à l’immensité de l’espace cosmique il entreprend la conquête de tous les espaces que ses sens lui révèlent : « Tout n’est que le début…Tout l’Univers ou le Néant… » : la Tour foudroyée et la chute de l’Homme !
Il faut considérer dans ces convergences de représentations symboliques moins une prémonition qu’un cycle de faits dont la pauvreté de l’imaginaire humain ne peut que répéter à peu de chose près la figuration.
Un chargé d’enseignement du passé peut, de temps en temps, sans bouleverser les programmes établis par les spécialistes, procéder à des travaux pratiques d’une autre manière pour aborder le temps historique, c’est le modeste but de cet essai d’une transmission d’un savoir limité et instable. Donc de façon pédagogique, on peut enseigner l’histoire aux lycéens en partant d’un archétype, en établissant une diachronie qui stimule par les télescopages apparents la mémoire de l’étudiant renvoyé à sa curiosité et au plaisir d’apprendre autrement. La Tour foudroyée, cette Babel de la confusion des savoirs et de l’interdit de l’absolu pouvoir dit pourtant nous révéler ses arcanes.
DE LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DES SOURCES HISTORIQUES IMAGEES
On a souvent opposé l’histoire à l’archéologie; cette dernière étant jadis qualifiée d’humble servante de l’histoire parce qu’elle trouve l’aliment de son étude dans des traces matérielles et des vestiges enfouis. Les textes, les signes peints ou gravés, peintures, sculptures, sont découverts sur des supports les plus divers et les moins attendus. En aucune façon ils ne furent archivés pour entrer dans un processus de transmission de la mémoire; cependant les sociétés sans textes ne sont pas des sociétés sans signes abstraits transmis. L’histoire aurait la part trop belle de la seule étude des sociétés du passé à travers les textes, manuscrits ou imprimés, illustrés ou non d’images commentées.
Deux avis, parmi bien d’autres, contribuent à ébranler les certitudes pesantes et copieuses du savoir historique richement prébendé de sources écrites. Pascal Quignard pense que “l’histoire est une pauvre construction orientée dans le temps pour rassurer les gens…”. Quant à G. Duby il avait écrit il y a longtemps : “la trame des informations n’est pas assez serrée et l’historien doit ajouter quelque chose qui est de l’imaginaire…”. Pour Marc Bloch, tout fait historique est aussi un fait psychologique. Comment, dans ces conditions évaluer avec des critères universels les sources imagées, notamment les photos de presse, qu’il faut rejeter ou conserver pour des études futures dont le regard et les méthodes ne peuvent qu’évoluer ou se contredire ? Tout dépend de la position de l’observateur.
La psychohistoire dont l’objet est le pourquoi de l’histoire (et non le quoi), recherche les motivations cachées, et doit faire feu de tout bois. Elle va s’attacher à repérer, conserver et interpréter à la lumière de la psychanalyse et d’autres éclairages, le document laissé pour compte. Il est grand temps de se mettre à l’ouvrage, car tous les documents ne sont pas conservés. Les Betman archives, fonds riche de onze millions d’images, ne peuvent être numérisées dans leur ensemble faute de moyens. Ne seront conservés que les documents de portée moyenne publiables et exploitables de façon assez banale (politiquement correct oblige) pour un large public peu enclin à la critique d’image.
La Psychohistoire, dans sa singularité, se fait un devoir de révéler la admettre que l’image de la tour foudroyée, en-tête de ces sceaux administratifs, nous rappelle les évènements qui se produiront le 11 septembre de façon signifiante et bien singulière. Autant les papiers à en- tête représentant la Tour foudroyée sous forme d’une bastille étaient peu accessibles au regard des masses, autant l’image des tours foudroyées à New York sont dans tous les esprits et agissent sur l’opinion mondiale. Les deux images, à distance dans le temps et incomparables, du point de vue de leur diffusion, font partie du même Objet d’Histoire, structure symbolique a-temporelle et « transhistorique » que va escalader pour sa perte, King Kong qui se jette dans le vide comme les « jumpers » ou les jumeaux de la Tour du Tarot.
LA MAISON DIEU OU LA BASTILLE FOUDROYEE
Cet en-tête de document administratif relevé aux A.D. de L’Allier révèle après plusieurs agrandissements photographiques des détails d’une symbolique révolutionnaire très significative et engagée.
La gravure de l’en-tête, malgré sa taille de reproduction réduite, permet d’apercevoir une forteresse qui ne laisse point apparaître ses murailles de façon réaliste. Par un effet de contre plongée nous apercevons, nous dominant, s’élevant jusqu’aux nuées six à sept tours crénelées de couronnes grossièrement évoquées. La tour de droite relève d’un anthropomorphisme naïf. Sous la couronne on imagine que la fenêtre est un œil et le profil d’un visage (royal) avec un nez (bourbonien) dessiné dans l’appareillage.
Seule une des tours est découronnée, précisément par ce que la Pique de la Liberté du faisceau républicain coiffé du Bonnet de la Liberté est venue la frapper avec la juste force du niveau de l’Egalité. Le trait n’arrive point au but avec les sinuosités de la foudre, il frappe dru et droit : la forteresse perd une partie de sa couronne de merlons et de créneaux. On peut suivre les effets destructeurs du coup dans le mur qui se lézarde. Ce symbolisme est assez clair dans l’esprit du graveur. A la façon d’Hermès qui fait jaillir le feu du bâton ou de la lance, la Pique de la Liberté fissure la tour d’une lézarde fulgurante. Comme la Tour de Babel, allusion est faite à la vanité de celui qui veut trop s’élever en dominant les autres.
« PERISSENT LES TYRANS ! », OU LA PHILOSOPHIE DE LA TOUR FOUDROYEE
Il s’ensuit un châtiment de cette tyrannie. Le symbolisme de la tour foudroyée par un faisceau, ou plutôt la foudre, nous est également bien connu depuis le XVe siècle par le imagiers des Tarots dont le graveur républicain s’inspire en l’an V. Dans le Tarot (Arcane XVI), la Tour ou Maison Dieu est foudroyée par une divinité solaire ; le graveur puise dans le symbolisme républicain de l’Antiquité à la mode, la représentation de la Pique de la Liberté liée par les faisceaux de licteurs (à la place de la hache romaine). C’est la pique de la Liberté qui frappe comme la foudre la tour et l’endommage. La couronne est tombée. Ce symbole rappelle la chute de la Bastille et la Tour qui s’effondre est l’annonce dans le tarot divinatoire de très grands et profonds changements.
Ce foudroiement s’accompagne dans les images des différents tarots consultés de la chute d’objets symboliques. On ne peut que se remémorer les images des tours jumelles du 11 septembre et des malheureux qui se jetaient dans le vide (les jumpers) pour ressentir combien un archétype se manifeste hors le temps. L’artiste graveur s’est -il inspiré pour figurer la chute de la Bastille de la lame du Tarot représentant la Maison Dieu comme le philosophe Franc- Maçon Court de Gibelin en avait popularisé le thème dans les travaux des Loges ? Peut-on considérer de façon plus psychologique que l’image de l’effondrement de la Maison-Dieu, archétype de la représentation collective de la mort du Roi-Père, sur un fond d’angoisse sociale et vide politique, réapparaît compulsivement ?
Le monde des images est une création qui n’est en rien indépendante d’un système culturel, (ce que veut nous en faire accroire les enragés d’un art contemporain extravagant), d’une tradition et surtout d’une intention. Le graveur en travaillant dans le cadre miniaturisé d’un en-tête de 3 cm de hauteur sur 2,5cm de largeur, est dépassé par le contenu manifeste, latent ou esquissé, il prophétise et révèle ce que d’autres veulent entendre ou voir. L’image de la Tour Foudroyée est une caricature du Père du pays déchu. Le symbolisme prophétique de l’arcane XVI est bien celui de la chute du Roi Puissant, (The mighty – puissant – pouvoir financier des tours du 11 septembre). L’exemple le plus frappant est celui du Grand Tarot Belline. L’effondrement d’un édifice chargé de pouvoir (Bastille, Babel, Tours financières) annonce un changement brutal et terrible.
Ce document émanant du Directoire exécutif, près de l’administration centrale du département de l’Allier à Moulins, en date du 4 nivôse an V de la République française, révélée par l’agrandissement photographique, mérite, toujours d’après la méthode comparative chère à l’historien des mentalités d’être mis en regard avec un autre classique de notre histoire : le Serment du jeu de paume. L’archétype de la Tour foudroyée peut aussi, dans sa figuration historique, être considérée comme un coïncidence signifiante junguienne. C’est à l’historien de déterminer ce qui fait sens au point que cette image soit recyclée par les artistes visionnaires appartenant à des époques différentes. La tour frappée par l’ « éclair qui luit » à son sommet est détruite, comme découronnée. C’est le cas du faîte de la Chapelle de Versailles qui représente le Roi lieutenant de Dieu sur la terre tout comme l’insolente hauteur des tours de la Bastille représentait l’arbitraire absolu. Les tours du World trade center symbolisaient la puissance capitaliste de la domination du dieu dollar. Elles seront abattues par deux avions, seront détruites et les jumpers comme sur les images du tarot sauteront dans le vide : Nous avons la d’évidentes convergences de formes imagées hors le temps !
« C’est la bête qui a tué la bête ! »
Telle est la singulière conclusion du reporter américain des années trente en le cadavre de King Kong tombé de la plis haute tour de New York City. La reprise du fameux scénario date de 2005. Il fallait que les avions des hommes abattent ce fils de Darwin qui s‘était emparé de cette Babel d’orgueil humain. Son combat contre les avions qui attaquent la tour tourne à son désavantage. Dans ce mythe, les avions défendent et, selon des propos tenus après l’affaire par d’autres journalistes, sont les vain d’une civilisation vainqueurs de la bête stupide. On peut ressentir à quel point le 11 septembre atteint la sécurité de l’Empire américain. Ce sont des avions volés comme la tour violée par King Kong qui sont détournés et se transforment en armes de mort. Les interférences parasitent le message. King Kong tombe à la façon des jumpers, mais c’est le couple d’américain blanc qui demeure au sommet de la tour, vainqueur.
Une singulière coïncidence signifiante, sorte d’épilogue au 11 septembre s’est produit, comme si la Tour foudroyée, en tant qu’archétype de l’effondrement politique ou de l’ébranlement d’une société, n’avait pas encore achevé de signifier une rouge fin d’empire. Les studios, disparaissent dans un incendie …..
….. Ils ont, en effet, dû composer avec l’explosion de citernes de propane. Des hélicoptères bombardiers d’eau sont venus en renfort. L’inspecteur des services sécurité incendie, Ron Haralson, du comté de Los Angeles, a indiqué qu’un shérif adjoint et neuf pompiers avaient subi de légères blessures.
Certaines structures dans un plateau d’enregistrement reconstituant la ville de New York, ainsi que des décors de « Retour vers le futur » et de « L’Arnaque » ont été ravagés. Des dizaines de milliers de vidéos ont été réduits en cendres, mais, heureusement, les studios en ont des copies.
« Rien d’irremplaçable n’a été perdu », a assuré Ron Meyer, président d’Universal Studios. De plus, Universal a tenu a préciser que le travail pourrait reprendre dès demain.
L’incendie, dont l’alerte a été déclenchée vers 4h45 du matin, a provoqué d’énormes embouteillages, s’étirant sur plusieurs kilomètres. »
Cette information en date du 1er Juin 2008, attire l’attention du psychanalyste historien par la mise en actes signifiantes des hélicoptères bombardiers d’eau à l’attaque du feu sur les décors du tournage de King Kong, l’insolite d’un feu prenant après le caviardage au goudron d’un décor, malgré la veille sur les lieux des ouvriers conformément aux règles de sécurité, et puis, en doute sur l’avenir, ce sont aussi les maquettes de la ville de NYC qui ont été détruites ainsi que les studios qui ont servi à tourner « Retour vers le futur…. » Il n’ y a aucun lien logique entre ces faits, mais ils font partie de l’Objet d’Histoire « Tour foudroyée » que notre esprit aime constituer dans le vain espoir de trouver une sorte de sens à l’histoire. Il est de tout même bien singulier et fascinant d’observer ce mélange d’avions à l’assaut des tours de NYC jadis conquise par la « Bête », d’éclairs, de nuages, dans les tarots de la tour foudroyée avec ses jumpers, ses personnages victime de chutes mortelles. Il est étrange que la tour imaginaire qui a vaincu King Kong, soit aussi réduite en cendres à NYC dans un ballet aérien de soldats du feu et que pour un dernier mot, tout « retour vers le futur » soit compromis ! Dommage. « Les avions n’y sont pour rien, c’est la bête qui a tué la Bête » Clap de fin ! On pourrait attribuer cette laconique oraison funèbre sur le cadavre de King Kong prononcé par le reporter d’un journal newyorkais des années trente, à l’attaque des terroristes du 11 septembre 2001 et reconnaître qu’il n’y pas de fin à cette histoire humaine sans objet divin.
